
Le 21 mars, en fin de journée, alors que la pluie martelait les arbres dans un vallon tapissé de cascades de mousse et de pierres humides, deux gardes nature effectuaient un suivi sur ce site abritant la seule population de salamandres tachetées des Bouches-du-Rhône. Soit une vingtaine d’individus vivant ici aux confins de leur aire de répartition.
Discrète et vulnérable, la salamandre tachetée peut être à tord rattachée à l’ordre des reptiles alors qu’il s’agit d’un amphibien (grenouilles, crapauds, tritons…). Animal nocturne, elle se montre lors des nuits humides où la pluie lave la forêt et où l’air s’emplit d’une fraîcheur profonde.
Ce soir-là, la météo était idéale : la pluie redoublait, mêlée parfois de grêle, et le sol ruisselait de vie. Lampe à la main et frontales allumées, les gardes fouillaient les abords moussus, inspectaient les pierres, les murets, les anfractuosités sombres. Puis, soudain, une première silhouette : un corps noir lustré par l’eau, parsemé de taches jaune vif. Une salamandre adulte d’environ 20 centimètres. Puis une deuxième. Une troisième. Au total, six individus furent repérés, émergeant lentement de leurs abris pour arpenter le sol détrempé.
À l’automne, les salamandres cherchent un partenaire pour s’accoupler. L’hiver leur rythme de vie ralentit selon la température et l’humidité. Au printemps, elles sortent pour accomplir un autre rituel vital : déposer leurs larves dans une flaque d’eau pérenne. Ovovivipares, les femelles portent en elles une trentaine à une quarantaine de petites salamandres prêtes à naître. Lorsqu’elles trouvent une flaque suffisamment fraîche et stable, elles y déposent leurs larves. Ces dernières, qui sont munies de branchies externes et de petites taches jaunes à la base des pattes, nagent aussitôt.
Commence alors une vie aquatique de quatre à six mois durant lesquels ces larves voraces dévorent des vers, mollusques, myriapodes, voire leurs propres congénères si la nourriture manque. Puis elles se métamorphosent, perdent leurs branchies et rejoignent la terre ferme pour une existence terrestre.
Cette observation précieuse confirme que, malgré la précarité de leur situation, malgré les menaces (fragmentation des forêts, disparition des habitats, perte ou isolement des sites de reproduction, trafic routier, réchauffement climatique), les salamandres poursuivent leur cycle ancestral lors des pluies d’avril. En effet, le déclin des salamandres tachetées est général, accentué par la faible natalité de cet animal et le succès aléatoire de sa reproduction, certes compensés par une grande longévité… Elles peuvent vivre jusqu’à 25 ans !
Ici, dans ce repli secret de la Provence, une poignée de salamandres tachetées continue de perpétuer un miracle discret, à l’abri des regards.
La salamandre cache un super pouvoir : elle peut se re-fabriquer une patte, un museau, un œil ou même de la moelle épinière.
Participez au suivi de la salamandre
Si vous observez une salamandre tachetée, contactez le Grand Site Concors Sainte-Victoire et envoyez vos photos ici : gscsv@ammetropole.fr