L’œil du garde nature au lendemain du confinement

Garde nature au Grand Site Concors Sainte-Victoire depuis plus de 20 ans, Matthias Magnier est l’ornithologue de l’équipe. Ce spécialiste des oiseaux veille attentivement sur eux, notamment au printemps où ils sont assignés à résidence par la nidification, ce moment de l’année où ils sont le plus vulnérables. Il a assuré sa mission pendant le confinement.

Lors des patrouilles naturalistes pendant le confinement, avez-vous constaté une différence avec les autres années, tant au niveau des milieux que des espèces ?
Au-delà des constats, il s’agit surtout d’un ressenti. Au niveau des milieux, je n’ai pas vu de différence. En revanche pour certaines espèces, cela a changé les choses notamment chez les mammifères, les oiseaux et les reptiles. Concernant les insectes, je n’ai rien vu de significatif. J’ai eu le sentiment que la distance de fuite des oiseaux s’est réduite, et l’impression d’en voir davantage. Tout comme les reptiles, d’ailleurs. Mais rien de spécial sur la flore. Il me semble que l’absence humaine dans le massif a profité à la faune sauvage, surtout en pleine période de reproduction.

Depuis le retour de la fréquentation, quelles sont les espèces animales ou végétales qui vous semblent plus en danger ?

Toutes les espèces qui nichent au sol ou dans les garrigues basses ; par exemple, les fauvettes sont déroutées par les promeneurs et plus encore par les chiens laissés en liberté. Les nids dissimulés dans la végétation sont invisibles. La présence des humains perturbe les adultes pour s’installer ou nourrir les jeunes qu’ils doivent aussi protéger.

Ces troubles sont-ils dus au nombre de passages ?
Surtout à la divagation hors des sentiers.

Se promener avec des enceintes diffusant de la musique est-il sans effet ?
C’est un rapport à la nature qui relève un peu de la consommation, mais je ne pense pas que l’impact soit important sur la faune. En revanche sur les autres promeneurs… Celui qui vient pour la nature doit prendre son temps, s’appliquer à regarder, à sentir, à écouter et surtout à s’effacer car  la discrétion est essentielle. Cet observateur verra. Même en se limitant aux itinéraires balisés.

Depuis le déconfinement, avez-vous relevé une régression dans la visibilité des espèces ?
Non. J’observe toujours de belles choses y compris à proximité des sentiers fréquentés. Le fait que les oiseaux se soient installés pendant le confinement, les maintient dans leur emplacement et ils vont jusqu’au bout de l’élevage de leurs jeunes. Combien d’oiseaux qui avaient fait leur nid dans des zones qui sont redevenues fréquentées après le confinement ont vu leur reproduction échouer ? Nous ne le savons pas et il n’est même pas sûr que nous puissions le mesurer la saison prochaine.

Pouvez-vous nous raconter quelques anecdotes ?
Cette année dans le village, j’ai été appelé à plusieurs reprises pour des serpents dans les maisons : cela signifie t-il que les couleuvres visitent souvent nos maisons en notre absence ou se sont-elles davantage aventurées dans les rues désertées ? Sûrement un peu les deux.
Je pense aussi à un cabanon dans la plaine de Puyloubier où je passe chaque année et là, pour la première fois, j’ai observé des faucons crécerelle qui s’étaient installés et cinq jeunes sont nés. Ils ont pris leur envol cette semaine. Habituellement, la plaine attire beaucoup de promeneurs et sûrement cette quiétude inattendue a t-elle été déterminante. Je ne manquerai pas de vérifier l’an prochain s’ils pérennisent le nid